Messieurs Jean-Jacques HYEST, Hugues PORTELLI et Richard YUNG, sénateurs, viennent de remettre le 20 juin 2007 leur rapport d'information sur le régime des prescriptions civiles et pénales (synthèse), établi au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale:

PRESENTATION

«La prescription est la protectrice du genre humain introduite pour l’utilité publique» selon une formule de Cassiodore. Formalisée sous l’Empire romain, la prescription constitue depuis les temps les plus anciens un principe fondamental de notre droit. Elle fait de l’écoulement du temps –dans les conditions définies par la loi– un mode d’acquisition d’un droit (en matière civile), d’extinction de l’action en justice (en matières civile et pénale) et enfin d’extinction de la peine (en matière pénale). Bien qu’elle obéisse à des régimes juridiques différents en droit civil et en droit pénal, la prescription répond à l’origine à un souci commun de sécurité juridique.

Un ancien légiste français, Jean de Catellan, conseiller au Parlement de Toulouse, mettait ainsi en parallèle le civil et le pénal : « comme on n’a pas trouvé qu’il fût juste que le domaine et la propriété des choses fût toujours en incertitude et en suspens (...), on a trouvé qu’il était cruel que la vie d’un homme qui s’est malheureusement laissé aller au crime, fût toujours incertaine et mal assurée du côté de ce crime, qui le menace du moment qu’il est commis ».

La prescription constitue aussi la sanction de la négligence des personnes ou de l’autorité publique à engager avec diligence l’action en justice. Elle se justifie en outre par la difficulté de conserver ou d’établir les preuves d’un droit ou d’une infraction au terme d’un certain délai.

Fondé sur des principes simples fixés pour l’essentiel à l’époque de la codification napoléonienne, le droit de la prescription semble entré, depuis plusieurs décennies, dans une ère d’instabilité marquée par la multiplication des dispositions particulières et dérogatoires aux règles classiques.

Cette évolution s’inscrit néanmoins dans des perspectives contradictoires selon que l’on envisage le domaine pénal ou civil. Dans le premier cas, les délais tendent à s’allonger tandis qu’en matière civile, et en dépit de nombreuses nuances, la prescription trentenaire cède de plus en plus le pas à des délais plus courts. Le temps de la prescription est en effet vécu aujourd’hui de manière profondément différente selon le domaine du droit concerné. Sans doute le même sentiment d’accélération du temps, propre à la société contemporaine, emporte-t-il l’exigence d’une plus grande rapidité dans e traitement des affaires civiles mais conduit-il aussi, par réaction, peut-être, à nourrir une volonté ou un « devoir » de mémoire lorsque sont en cause, en particulier, les valeurs protégées par le code pénal.

La situation actuelle du droit de la prescription est devenue source de confusion et d’insécurité, à rebours de la vocation fondamentale du principe fondé justement sur la primauté de la sécurité. Elle appelle en conséquence une remise en ordre qui, en matière civile en particulier, a déjà fait l’objet de réflexions et de propositions approfondies.

Compte tenu des enjeux essentiels de la prescription dans l’application de la règle de droit et de la part qui revient au législateur pour en fixer les principes, votre commission a décidé en février dernier de se saisir de ce sujet. Elle a ainsi confié à MM. Jean-Jacques Hyest, président, Hugues Portelli et Richard Yung une mission d’information sur le régime des prescriptions en matière civile et pénale.

Au terme de l’audition de nombreux spécialistes, universitaires, magistrats ou avocats, des représentants du monde des affaires, de la société civile et des administrations, le présent rapport s’efforce, dans les domaines pénal et civil, d’analyser la situation actuelle des prescriptions et les difficultés soulevées et présente plusieurs propositions dans la perspective d’une réforme devenue nécessaire.